Un coq décidé

Hué, 12 janvier.

Le soir alors que nous cherchions un restaurant dans le quartier de l’hôtel, Jean-Marie est entré dans une boutique que je n’aurais même pas vue en passant : une petite galerie de tableaux représentant des scènes du Vietnam éternel, paysages avec rizières et buffles, rivières et pont, pitons et nuages. Des gouaches, des encres. C’est le peintre qui tenait la galerie, lui servant aussi d’atelier, un homme très jeune. Une peinture à gestes rapides, précis, calligraphiques. Faite en série certes, mais avec une vraie maîtrise de la beauté. Il vend pourtant ses peintures à des prix d’argent de poche.

Je suis tombé en arrêt devant un coq qui traversait la feuille en diagonale d’un pas décidé. Il était encadré. Le peintre m’a montré d’autres coqs dans les cartons à dessins. Mais le premier les surclassait tous. Pas de problème, il l’a sorti du cadre, protégé avec une carte, emballé avec soin dans du papier journal, et glissé dans une pochette qu’il avait fabriquée lui-même à l'avance : triple épaisseur de papier journal, soufflets latéraux, fond agrafé, ouverture avec renforts en carte pour résister à la traction de deux poignées en ficelle.

Jean-Marie, Geneviève et Marie ont choisi des paysages.

[En quelques traits de pinceaux, dessiner un animal, un paysage, les lettres d'une phrase… J'y reviendrai. Dans les photos que j'ai prises durant le voyage, j'en trouve ce soir une bonne vingtaine qui essayent de rendre compte de cet art du geste parfait. Mais ma fascination est bien plus ancienne.]