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Voyage au Vietnam du Nord

27 avril 2014

Une poule exprès

Hoï An, 14 janvier (souvenir, photos, et cahier rouge pour les chanteurs)

L’histoire annoncée de la poule. Le 14 janvier nous avions mangé à quelques kilomètres de Hoï An dans un quartier de maraîchage, où une des familles a organisé un restaurant cours de cuisine, bien reçu par les agences de tourisme, et plutôt sympa : on apprend en dix gestes comment faire un rouleau, les cubes de porc rapidement frits dans une petite poêle, la pâte à crêpe qui les enrobe, d’une poigne précise faire sauter-retourner, garnir généreusement de germes de soja, rouler, c’est prêt à être mangé, chaud, frais et craquant. En milieu d’après-midi nous avons poursuivi en vélo, visité une pagode où des moinillons se formaient au jardinage si soigné qui fait partie de l’espace et l’esprit d’un tel lieu — dans une galerie à plafond de grillage, des centaines d’orchidées de toutes couleurs poussaient sur des morceaux de bois, suspendues à mi-hauteur.

Hoï An étant très touristique, Jean-Marie avait demandé à Huy notre guide de nous indiquer un endroit où manger qui ne le serait pas. À l’approche de la ville, Huy nous a fait passer par des venelles, et nous a indiqué une maison, précédée d’un auvent-hangar : elle fait restaurant.

Le soir venu, nous avons retrouvé la venelle, l’auvent-hangar précédant la maison. En bordure de la rue il servait de garage à motos, mais au fond il était éclairé, dix tables étaient disposées, dont trois occupées. Nous avons rempli la quatrième, bien au milieu, sous les regards de tous : nous avons compris que nous devions être à peu près les premiers Européens à venir partager leurs repas.

Une jeune femme qui faisait marcher l’affaire nous a apporté un menu : écrit entièrement en vietnamien, sans illustration. Jean-Marie sonorise bien la langue de sa petite enfance, mais ne la comprend plus du tout. Et les trois autres encore moins. Quant à la jeune femme, elle ne comprenait qu’un seul mot d’américain relatif à un repas : chicken. Nous avons commandé donc à l’aveuglette. Il y a eu un potage. Puis, comme le plat (inconnu) se faisait attendre, nous avons voulu confirmer que nous comptions sur lui, avons parlé de chicken puisqu’au moins ça était dans notre langage commun.

Les trois autres tables étaient occupées, l’une par la jeune femme et des familiers, la deuxième par trois hommes très imbibés, cinquante cannettes de bière vides jetées à leurs pieds, vociférant plus que parlant, qui sont bientôt partis. À la dernière étaient quatre hommes, qui n’avaient bu que le raisonnable, et qui chantaient, des chansons du Vietnam et d’ailleurs, avec de belles voix, lisant les paroles sur une feuille, l’un faisant les percussions avec ses baguettes. C’est ainsi qu’ils ont chanté Besame mucho (embrasse-moi beaucoup), le classique sud-américain. Marie, qui le fait chanter à ses choristes, était ravie. Nous avons hésité, mais nous n’avons pas su leur rendre la chanson. Dommage ?

Le plat que nous espérions est arrivé. J’ai oublié quoi, sinon que ce qui correspondait à du bœuf était des ligaments des pieds, frits, tout à fait mangeables au demeurant, mais qui nous faisait mesurer combien nous jetons dans un bœuf de nos tables repues ! Nous étions rassasiés et nous avons demandé à payer mais la jeune femme nous a fait comprendre que ce n’était pas fini, a entraîné Jean-Marie dans la cuisine où il a constaté qu’une poule était en train de cuire dans le bouillon, abattue pour nous tout exprès dans le poulailler mitoyen après notre demande de chicken.

Que faire d’autre ? Nous avons attendu la poule. Elle est arrivée enfin, sur un grand plat. La jeune femme nous l’a montrée. Puis l’a posée sur la table à côté, a mis des gants jetables, et en dix gestes énergiques l’a divisée en portions qu’elle a remises en scène sur le plat, composition bien symétrique, tête et bec dépassant d'une écharpe de cébettes, magnifique.

La chair de la poule n’avait guère eu le temps rassir : elle était dure, mais goûteuse. Nous en avons mangé assez pour faire honneur à nos hôtes. Nous leur en avons laissé assez pour qu’ils en fassent un autre plat : nous n’avions vraiment plus faim.

C’était l’heure de partir. Le patron — sans doute le père de la jeune femme — avait déjà éteint, dans la pièce d’accueil de la maison, les lumières de l’autel des ancêtres. Entrant en scène, il a pris le bloc des mains de sa fille, et solennellement a écrit la facture :
— Le poulet : 300 000 VND
— L’ensemble des autres plats : 170 000 VND
— Total : 470 000 VND, soit 4 euros par personne. Nous restions dans notre dépense moyenne… Nous les avons remerciés, bonne nuit, belle rencontre.

 

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Le quartier de maraîchage : lycéens s'initiant à l'enrichissement de la terre par enfouissement de végétaux.

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La pagode, ses jardins, ses jardiniers, ses orchidées.

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Une poule aux cébettes.

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11 avril 2014

Les petites barques des vœux

Hoï An, 14 janvier. Courriel aux enfants.

Dernier soir de notre voyage au Vietnam : demain nous serons à l’aéroport d’Hanoï.

Soir de pleine lune. Pour les bouddhistes du Vietnam, c’est un jour de début d’un cycle, de renouvellement.

Devant les maisons, devant les magasins de cette ville très commerçante, même directement sur le trottoir, les habitants tout l’après-midi ont organisé de petits autels aux génies protégeant les lieux — une table pour déposer des offrandes, fruits, riz gluant, boissons, faux billets de banque (une épaisse liasse de billets de cinquante euros…). Sur les tables aussi, des dizaines de bâtons d’encens ont été allumés. Deuxième dispositif, des chaudrons (voire même des feux dans les caniveaux), pour y brûler des papiers de vœux, préimprimés le plus souvent, ou manuscrits.

Après le dîner (nous vous raconterons : comment dans le restaurant le plus modeste ne savoir ni lire ni parler le Vietnamien — et nos hôtes trop peu de mots d’américain — a fait que notre demande d’un plat de légumes avec du poulet est devenue en cuisine la mise à mort et la cuisson illico d’un poulet entier avec des cébettes), nous sommes descendus jusqu’au bras du fleuve qui traverse la vieille ville. Sur les deux rives et sur le pont, des centaines de lumignons, petites barques en carton blanc ajouré contenant une bougie allumée, étaient prêts à être mis à l’eau. Le plus souvent c’étaient de vieilles femmes d’allure très pauvre ou des gamines qui les avaient confectionnés et les (vendaient) aux gens voulant faire des vœux. (Je mets « vendaient » entre parenthèses car je ne suis pas sûr qu’il fallait payer un prix : plutôt verser une offrande.) Au retour (je m’étais retrouvé seul à trop regarder ici et la), sur le pont, j’en ai demandé un à une vieille femme : le billet que je lui ai remis, pleine de zéros (mille VND equivalent à 4 centimes d’euro), m’a valu deux lumignons, et la perche avec un panier pour le déposer sur l’eau. J’ai descendu le premier, la tête vide de tout vœu. Il a pris contact avec le fleuve et est parti. J’ai pensé à Mireille, une bouffée de tristesse m’a submergé. J’ai déposé le deuxième sur l’eau, avec le vœu que ce soit beau. Ils se sont éloignés. J’ai continué mon chemin en descendant la rive gauche. J’ai photographié une très vieille et son étal de lumignons. Je lui ai donné mon dernier billet. Elle m’a donné un lumignon et confié la perche, et a éloigné une barque pour que le lumignon trouve son chemin dans le fleuve.

 

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7 avril 2014

Montagnes

Samedi 4 janvier (enregistrement numérique au fil de la journée).

On a quitté Ha Giang où on a dormi dans un hôtel assez chic, très marqué par la proximité chinoise, matelas extrêmement durs, le petit-déjeuner ne se situant en revanche pas culturellement, entre Vache-qui-rit et un café vietnamien, pas mauvais pour le coup. On a descendu le fleuve Lo en direction du sud. Tout au long de la route, des vendeurs proposent des oranges de leurs propres vergers. Hung nous en a négocié l’achat de trois kilos à 7 500 VDN le kilo (27 centimes d’euro). Quelques cultures de théiers. Puis arrivés à Vinh Ngoc, on a pris à droite une route remontant une vallée affluente, rapidement très encaissée, vertigineuse.

Sous la route, à mi-pente et en fond de vallée, des quartiers de rizières, dont les dessins des terrasses épousent les possibilités du relief, sinueux, organiques en quelque sorte : sur les éperons ou dans le creux des vallons, elles s’élargissent après avoir été serrées dans les parties intermédiaires, voire même elles se développent en îlots lorsque l’éperon va jusqu’à se relever. La pente est souvent si raide que la partie cultivée ne fait pas plus en largeur que la hauteur des terrasses. Vers le bas, quand la pente s’adoucit, de grosses fermes ici et là au milieu des rizières, toitures couvertes de végétaux (paille ? palmier latanier ?). Les rizières pour le moment sont sèches. On a vu des parcelles où les mottes avaient été retournées à la pioche, sensiblement d’un quart de tour, ce qui faisait que la paille du riz dépassait. Hung expliquait qu’elles seront remplies d’eau afin que la paille du riz finisse de pourrir et d’enrichir le sol, et seront alors labourées. Assez loin, une rizière est justement en eau, des buffles y circulent, certains semblent attelés mais il est difficile de voir ce qu’ils font.

La route, tournant beaucoup, sert essentiellement à la circulation des mobylettes et des petites motos, et d’autre part à des camions montant de lourds chargements de sacs et de matériaux. Devant les maisons du bord de la route, des tas de bois de chauffage de différents calibres, destinés manifestement à la vente : ils sont descendus vers la vallée par des motos. Dans l’autre sens, un homme et un jeune garçon, à pieds, tirent chacun de très longs bambous.

Les versants sont en schiste tapissés de fougères de multiples variétés ou de mousses. Dans un vallon nous avons vu de grandes fougères arborescentes.

Sortie d’école dans un village d’une ethnie Lathi. Les filles ont des tenues très colorées, rouges et noires. Les garçons sont plus classiques, certains avec le blouson des écoles bleu et blanc qu’on a vu dès Hanoï. Une femme dans la tenue des H’mong fleuris.

Ne pas oublier, dans les choses vues de ce voyage qui sont devenues quotidiennes, les matériaux des barrières des clôtures, toutes sortes de bois, branches droites ou tordues, et principalement des bambous, entiers, fendus, mis à plat, et toutes sortes de tressages, denses ou lâches, pour les assembler. Y compris des formes très soignées : tronçons de bambous verticaux se touchant, et arrivé presque en haut — quelque 1 m 50 —, six bambous sur huit sont arrêtés et les deux autres montent encore d’une dizaine de centimètres et portent une lisse horizontale, ce qui donne un effet de jour très élégant.

 

La route est maintenant plus proche du fond de la vallée, qu’elle remonte en rive gauche. Pour desservir la rive droite, des ponts suspendus sont régulièrement tendus entre les rives. La facture et la vétusté des portiques de béton indiquent qu’ils doivent avoir une cinquantaine d’années. Deux câbles inférieurs portent un platelage de planches, suspendu à deux câbles supérieurs, le tout convenant pour des charges légères. Les ponts sont manifestement entretenus, l’un d’eux a été récemment entièrement refait hormis les deux portiques en béton.

Dans un versant très raide, quatre ou cinq jeunes femmes descendent des fagots de bois sur leur dos, pendant qu’au bord de la route trois ou quatre hommes les regardent progresser. Un peu plus loin deux femmes plus âgées sont assises au bord de la route, occupées à des travaux d’aiguilles, en même temps elles surveillent quelques buffles qui paissent un pré en contrebas. Plus loin encore, un jeune garçon assis sur le dos d’un buffle nous salue joyeusement quand nous passons.

Nous sommes chez les San Thi, nous dit Hung, une ethnie peu populeuse.

La route longe la rive droite de la rivière Chảy, en gorge étroite laquelle a été barrée par un barrage. La réserve d’eau ainsi créée est longue de plusieurs kilomètres, large de quelques dizaines de mètres. À l’endroit du mur de béton, la hauteur de l’eau doit être proche des cent mètres.

Avant d’arriver au village de Cốc Pài, la route est en chantier, un ballast, en train d’être posé, est encore en vrac au milieu de la chaussée. Nous finissons la route à pied et en profitons pour observer comment les gens s’accommodent de cette situation. Les motocyclettes et les vélomoteurs passent sur le côté, sur une espèce de trottoir de terre caillouteuse, et s’en tirent très bien, seuls, à deux, à trois, avec leur chargement. Marie nous rappelle que la bataille de Bien Dien Phu a été gagnée comme ça, par des cyclistes vietnamiens qui avec leurs vélos ont pu acheminer à travers la forêt toutes les pièces de l’artillerie qui a permis de prendre au piège l’armée française.

Le gros du travail de mise en place du ballast est fait avec des machines, pelles mécaniques et gros rouleaux compresseurs, mais restent des petits perfectionnements faits à la main par de jeunes ouvriers et quelques ouvrières : faisant rentrer à la masse quelques pierres récalcitrantes, ou déversant avec des corbeilles des cailloux concassés plus fins qui vont participer à l’égalisation de la surface de la chaussée.

Au village, c’est jour de marché. S’y rencontrent des habitants appartenant aux ethnies H’mong, les femmes avec leurs robes très colorées, et d’autres à l’ethnie des Lo Lo noirs, les femmes avec des jupes noires. La maison à côté du restaurant, traditionnelle, à sa rampe d’accès soutenu par un mur de pierres sèches assemblées dans un mixte de pierres dressées et d’opus spicatum — tout à fait dans la veine de ce qu’on peut trouver à Gordes ou dans le vallon de Saumane.

À l’entrée du restaurant, pour orner la table d’accueil des hôtes, un menuisier a sculpté un Bouddha à moitié couché, dont les membres épousent la forme de la pièce de bois rare qu’il a ainsi modelée — œuvre magnifique et tout à fait originale, comparée aux Bouddha stéréotypés que produisent par millier les ateliers de pierre du pays. Les tabourets sont eux-mêmes des troncs d’arbre sectionnés au départ des branches, polis et retournés.

 

Après le repas à Cốc Pài, au lieu de nous faire passer par la vallée, Hung nous fait pendre un chemin circulant en hauteur, près des cimes. La frontière avec la Chine n’est pas très loin au nord, invisible néanmoins à cause de la brume. Pour compliquer les choses et à cause d’un chantier, nous faisons un contour par une piste de terre desservant un village des H’mong fleuris. Grappes d’enfants sortant de l’école accompagnées de leurs mamans, et femmes qui reviennent à pied du marché, habillées avec leurs tuniques et leurs capelines très colorées. Paysage de rizières et de leurs systèmes d’irrigation. Deux femmes étalent des végétaux secs, sans doute pour ensuite les faire pourrir et enrichir le sol.

Dans le paysage agricole, des choses qu’on a déjà vues le matin : les rizières sont créées là où il est possible de leur donner des profils strictement horizontaux et une alimentation en eau pour pouvoir les inonder. Pour le reste, l’aménagement des versants se limite à épierrer des parcelles, à en limiter la pente, et à les planter de cultures sèches et notamment de maïs. Au-dessus du niveau des cultures, le versant offre encore d’autres ressources : ressources minérales exploitées en grand pour le ballast de la route, ressources végétales — il faudrait observer et comprendre comment est prélevé le bois de petit calibre qui sert pour le chauffage, et les grumes plus grosses qu’on voit descendre sur des camions vers le bas de la vallée.

Les maisons des H’mong ici sont en terre battue avec dans les murs les traces du passage des clefs qui ont servi à tenir les banches pendant la construction. Le type de maison de base possède trois murs en pisé : le mur arrière et les deux murs latéraux. La façade avant est en bois, avec les fenêtres et les ouvertures, précédée d’une galerie portée par des poteaux de bois, une grande toiture enveloppant le tout. Par le pignon d’une de ces maisons — elle a une toiture à deux pentes —, on voit au-dessus de la partie habitée une partie réserve avec des épis de maïs conservés très serrés.

[La suite chronologique du journal — 4 janvier au soir — est sur ce blog à la date du 24 janvier :Une belle demeure paysanne]

 

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5 avril 2014

Le palais du roi H’mong

3 janvier 2014 (cahier rouge)

Nous quittons Dong Van.

On s’élève dans la montagne. Paysage de sommets en pains de sucre. « Le paradis », dit Hung.

Pentes tapissées de rizières. Dans des quartiers hauts, de toutes petites parcelles ont été plantées de maïs, dont la paille est stockée en meules et sera utilisée, combustible ou engrais. Paysage de karst férocement découpé par l'acide carbonique.

On arrive au village et à l'ancien palais du roi H’mong. Le palais a été construit de 1909 à 1917. Il est organisé autour de trois patios étagés, entourés des pièces à vivre des épouses et du roi, son bureau, la cuisine etc. Belle architecture de pierre à joints très fins. Socles en pierre des poteaux de bois, taillés notamment en forme de fruits de pavots.

Dans une boutique de vêtements H’mong à côté du palais, j’achète une veste de toile noire, pour le taïchi.

 

 

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4 avril 2014

Un village derrière la crête

2 janvier 2014 (d’après les souvenirs et les photos)

Hung notre guide nous a fait prendre une piste toute neuve, elle venait juste d’être incisée par les pelles mécaniques dans le versant de la montagne, et des ouvriers et des rouleaux s’employaient à étaler avant la saison des pluies une première couche de ballast, que montait une noria de camions. Thuy, le chauffeur du minibus, et vieux complice de Hung, ne craint pas de conduire sur des chemins pareils, alors qu’il exècre les autoroutes.

Arrivés au col, nous sommes sortis du minibus. Une école toute neuve était pleine d’enfants, ceux des villages de ce haut quartier. De grands pylônes de béton distribuaient l’électricité dans leurs directions.

Nous avons poursuivi à pied, sur un petit kilomètre, jusqu’à un de ces villages, niché dans un vallon de l’autre versant. La maison commune à l’entrée du village, puis des maisons paysannes, proches mais ne se touchant pas, laissant de la place à des jardins potagers, des enclos pour les bêtes, des arbres. Maisons sur pilotis, structure en bois, murs en bambous tressés, en planche pour l’étage d’habitation des plus aisées, toitures à quatre pans en courtes tuiles rondes. Vers le haut du village, un réservoir d’eau, portant la date de 2006.

Devant sa maison, une femme avec une grosse hache débitait en fragments pour le feu une souche noueuse. Hung a discuté avec elle, puis a pris la hache, et a fini de réduire la souche en buchettes. Pendant ce temps, la femme se préparait une chique de bétel. (Son homme, sur la terrasse, finissait de vanner et trier du riz.) C’est ainsi que nous avons été invités à monter dans la maison. Autour du foyer — une dalle légère de béton au milieu de la salle — étaient la femme, son mari, la vieille maman, les deux femmes dans les tenues traditionnelles••. Nous nous sommes assis, le thé a été préparé et nous a été servi. À l’écart se tenaient la fille, peut-être vingt ans, et son bébé, vêtements de confections, devant la télé allumée et une chaîne hi-fi.

En descendant vers le village, Hung nous avait énuméré les cinq objectifs du Vietnam pour équiper les villages : l’eau, l’électricité, la route, l’école, l’accès à la santé.

 

 

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Autour du foyer, le père et la grand-mère. Le sol est en bambou déroulé, partiellement couvert de nattes.
Suspendus aux poutres de la charpente, une réserve d'épis de riz – le riz en grain est stocké dans des sacs.
Le père prépare une pipe à eau.
Dans un meuble mural rustique, l'autel des ancêtres.

 

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2 avril 2014

Rizières

Le premier janvier après-midi, au quartier de Tinh Túc (enregistreur numérique).

Rizières en terrasse en contrebas de la route. Certaines ont leurs soutènements en pierre sèche, ou au minimum renforcés par des pierres, l’étanchéité étant assurée par la terre argilo-sableuse. Un système de canaux amène l’eau d’une source, et de terrasse en terrasse, des passages pour l’eau sont ouverts ou fermés par de grosses mottes.

Par ailleurs des morceaux de versants sont occupés par des forêts de gros bambous qui sont là en abondance. Les habitants les exploitent, les coupent, les débitent en tronçons d’un mètre de longueur qu’ils serrent en fagots. Ils seront vendus dans la plaine pour être refendus et entrer dans des vanneries. Le cylindre creux pourra aussi être utilisé, en supprimant les cloisons à l’intérieur, comme nasse à anguille : le poisson y pénètre et n’arrive plus à reculer.

On a photographié un myrte tomenteux, dont les nervures des feuilles sont très marquées en creux, les fleurs sont roses, et les petits fruits oblongs rouge pourpre. Hung nous montre une autre espèce de bambous plus petits que ceux décrits plus haut, de 2 à 3 cm de diamètre : Hung dit que ce sont ceux dont les pousses ont le goût le plus fin.

 

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1 avril 2014

Au marché de Tho Ra

(Premier janvier, enregistreur numérique.)

Étape en fin de matinée au marché de Tho Ra1.

Ce marché hebdomadaire du mercredi occupe facilement un hectare au milieu du bourg. Sous une halle, les vêtements (du prêt-à-porter de facture ordinaire et répétitive — blousons et parkas, pantalons, joggings, shirts et sous-vêtements…). En dehors de la halle, sous des auvents assez étroits, poteaux et charpentes légères couvertes de fibro-ciment, les étals sont classés plus ou moins par catégories des produits et avec éventuellement des redites : les légumes et les fruits, les poissons — qui ont l’air très frais, sans doute souvent des poissons d’élevage —, la viande, et divers.

[Jean-Marie :] On a vu des femmes Thai qui vendaient des toiles noires, le plus souvent avec des bordures bleues, sans autre motif que cette bordure simple.

Sur deux étals, du papier de calligraphie, fait avec la fibre végétale appelée Zô. On le reverra pour écrire des vœux aux génies protecteurs. Il peut être utilisé aussi pour les cerfs-volants.

Un étal vend des planches à découper la viande, taillées dans un bois rouge dur, rondes (moins de 40 cm de diamètre) et épaisses (bien 6 cm), munies d’une courte poignée en trapèze. Hung notre guide les regarde attentivement, les soupèse, les compare, avant d’en choisir une pour la ramener chez lui.

 

1. Prononcer Tchio Djia, en faisant à peine entendre les i.

 

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Tho Ra 2

Tho Ra 3

Tho Ra 5

22 février 2014

Les maisons d’un village

[Retour en arrière dans le temps et l'espace. Le lac de Ba Bé est à une journée de route au nord de Hanoï, dans une zone d'épais calcaire avec un karst magnifique. La description des maisons sur pilotis apportera des réponses aux questions d'Hubert.]

1er janvier 2014 [sur l’enregistreur numérique]

On quitte le village de Tòn Pác Ngòi et le lac de Ba Bé. Le village est étiré sur un versant nord juste au-dessus du lit de la rivière et des rizières, il compte une centaine de maisons. Quatorze déjà font table et chambre d’hôte et se signalent par des panneaux sur la route, nhà nghỉ — comme celle où nous avons été, deux soirs et deux nuits, hébergés et accueillis à la table familiale.

Ces maisons, de part et d’autre de la route centrale, sont construites sur pilotis. Elles sont constituées d’une structure orthogonale de piliers verticaux et de poutres horizontales, en bois. Les piliers sont traversés par des mortaises étroites, de même section que les poutres qui y sont engagées, et des clavettes verrouillent ces assemblages. Une maison de taille assez moyenne, composée de six travées en largeur, quatre en profondeur, compte donc vingt-quatre piliers, soit vingt-quatre assemblages pour tenir le plancher de l’étage, vingt-quatre autres pour tenir le toit. Il n’y a pas de contreventement oblique : c’est cette densité et la solidité des points d’assemblage qui assurent la stabilité de la structure.

 

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Les maisons de Tòn Pác Ngòi au pied de la pente, au-dessus de la zone inondable

 

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Deux maisons de vingt-quatre pilotis. Ils sont posés sur des socles de pierre ou de béton. Galeries à l'étage, accessibles par des escaliers très raides. Toitures en petites tuiles rondes anciennes, ou en tuiles mécaniques. Devant les maisons, plate-forme d'un chantier avec arrivée du tuyau de la drague qui y déverse le sable. Ci-dessous, autre maison "vingt-quatre pilotis" en chantier.

 

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Soubassement de pierre. Pans verticaux en planches, en bambou tressé, enduit, ou nu. Galerie à l'étage. À l'arrière cuve à eau en inox. Dans la cour, bambous en attente pour une barrière. Les poteaux en bois sont déjà plantés et régulièrement mortaisés pour les recevoir.

Ci-dessous, poteau avec deux mortaises traversantes : les poutres (qui ont des sections étroites de basting, ici celles du plancher d'un comble) y sont engagées puis bloquées par des clavettes. Pour qu'elles se croisent bien l'une sur l'autre, la poutre du dessous est bloquée par dessous, celle du dessus par dessus.

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Quelques maisons néanmoins emploient le béton pour les piliers du premier niveau. Celui-ci, au sol de terre battue, sert au stockage des choses lourdes, du bois, des mobylettes et motos. Il peut comporter aussi des pièces prenant appui au sol, par exemple cuisine, ou réserves. À l’étage sont le hall d’accueil, avec l’autel des ancêtres bien en vue face à la porte, et les chambres. On accède à cette porte par un escalier latéral et une galerie.

Le tout est couvert par une toiture à quatre pans. Les deux principaux se rejoignent au faîtage. Les deux pans latéraux en revanche s’arrêtent au tiers de la hauteur et sont dominés par des demi-pignons. La toiture est en petites tuiles rondes, très courtes, en tuiles mécaniques, en fibrociment. Hors village on trouve des maisons plus modestes couvertes de chaume.

Les pans verticaux, pour les plus modestes, sont en tressage de palmes ou de bambou, voire même en toiles de polypropylène à rayures bleu blanc rouge genre Tati. Plus élaborés, ils sont en planches, rabotées et dressées accolées mais non bouvetées. En lieu de planches, des panneaux de contreplaqué d’eucalyptus (que le Vietnam du Nord produit en abondance, à partir d’ateliers villageois) sont opaques, mais minces, et laissent passer tous les sons. Dans des cas d’amélioration des maisons, des cloisons en briques apparaissent.

Les planchers sont faits avec les mêmes planches non bouvetées. Certaines maisons mettaient en chantier des planchers et des cloisons plus étanches, au moins aux courants d’air, peut-être au bruit, pour les pièces qu’ils réservent à leurs hôtes. La galerie de l’étage, ainsi que la toiture qui se prolonge pour la couvrir, débordent par rapport à la façade. Les fenêtres qui percent celle-ci sont incluses dans des blocs de menuiserie allant du sol au plafond mais dont la partie laissant passer le jour n’occupe que la moitié, redivisée par des carreaux de verre dont les « petits bois » sont plutôt gros. L'autre moitié, au-dessous et au-dessus, est pleine. Ainsi, de l’extérieur au cœur de la maison, la lumière est progressivement atténuée, retenue, réduite.

Le foyer — seul point de chaleur dans la maison — est sur une dalle de béton d’un bon mètre de côté, bâtie sur le plancher en position plus ou moins centrale dans la salle. Au milieu de la dalle, un trépied en fer (souvent fers à béton pliés et soudés) porte le récipient au-dessus du feu. Celui-ci est alimenté des trois côtés par des bûches — de longues branches — qu’on fait converger au fur et à mesure de leur combustion. Dans le cas de la maison où nous avons été accueillis, où l’étage est réservé aux hôtes et à l’autel des ancêtres, la salle avec le foyer est au rez-de-chaussée, ainsi qu’une partie familiale privative avec salon et chambres. Contre un mur de la salle, une deuxième dalle en béton, d’environ 100x60 cm, soigneusement carrelée, avec alimentation en eau courante et point de vidange, sert d’évier et d’égouttoir.

Dans un modèle plus complexe que nous avons vu hier à l’auberge bordant la rivière, la cuisine comptait plusieurs foyers maçonnés, mais toujours au ras du sol, alimentés par des bûches convergentes, de 15 à 20 cm de diamètre, et longues d’un mètre, voire deux : inutile donc de débiter le bois en bûchettes, il suffit de l’avoir bien fait sécher, et de l'enfoncer régulièrement dans le foyer.

 

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Galerie et porte d'entrée. Dans la salle centrale, sur un buffet en ébénisterie, l'autel des ancêtres. Leurs photos, leurs diplômes sont affichés. Des offrandes sont présentées  — bananes, eau minérale —, elles sont régulièrement renouvelées et celles qu'on retire sont consommnées.

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Bloc-fenêtre. Il est séparé du plein jour par une galerie.

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La cuisine de nos hôtes de Tòn Pác Ngòi : le foyer en position semi-centrale, l'évier dans un angle de la pièce.
Le sol est en bambou déroulé.

 

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La cuisine de l'auberge, avec la possibilité de plusieurs foyers. (Voir aussi les photos du diaporama de Marie sur Picasa : http://goo.gl/TOK6Ve

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Une quinzaine de maisons au moins étaient en chantier de modernisation lorsque nous avons traversé le village. Les matériaux pour la plupart étaient d’origine proche : planches, bambous, pierres extraites des versants. Des dragues pompaient dans la rivière et envoyaient par des gros tuyaux de PVC jusque sur les plates-formes des chantiers un mélange d’eau et de sable : celui-ci s’y déposait en tas bien lavés. De façon générale, les prélèvements dans la nature semblent modestes et mesurés : outre les matériaux des chantiers, du bois pour la cuisine (les maisons ne sont pas chauffées), de la nourriture pour les cochons…

Le village de Tòn Pác Ngòi fait partie d’un parc national, dans sa zone périphérique, et il est apparemment à la fois assez réglementé et aidé pour des initiatives : par exemple des installations individuelles de production de biogaz, sous la forme de grosses cuves en résine de trois ou quatre mètres cubes où les familles mettent à fermenter les excréments des cochons. Par ailleurs, au-dessus de chaque maison, une ou deux cuves en inox servent à la mise en pression de l’eau, laquelle vient d’une source. Une dizaine de points d’éclairage public étirés le long de village sont alimentés par des panneaux solaires. Chez nos hôtes, toutes les ampoules étaient à économie d’énergie.

Du côté des transports, c’est le règne des mobylettes, des vélomoteurs électriques et des petites motos.

Dans chaque maison, de la volaille, et des coqs, dont les concerts commencent dès deux heures du matin.

 

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Pierre à bâtir et bois de chauffage devant une maison.
Chantier d'extraction de pierres.

 

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En entrant dans la maison, on change les chaussures pour des tongs.
La gouttière est faite de demi-bambous.
Bâtie dans la pente la maison côté rue est de plein pied avec la chausée, mais côté rivière et vallée est portée sur des pilotis.

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16 février 2014

La déesse-mère des Chams

Cahier rouge, lundi 13 janvier

La civilisation des Chams, qui tint le milieu du Vietnam du 7e au 15e siècle, était très proche de l’Inde et de l’Hindouisme. À une place majeure de la pensée religieuse de ces sociétés matriarcales étaient la déesse-mère, « personnification de la terre nourricière1 ». Ses seins bien ronds sont non seulement sur les sculptures des bustes des déesses et de leurs servantes, rassemblées au musée archéologique de Da Nang, mais ils sont aussi répétés en frises sur des bases monumentales.

Ainsi un grand piédestal circulaire en propose-t-il vingt-trois, taillés dans une pierre noire. Trois jeunes visiteuses Viets s’en approchent, yeux pétillants, puis mettent la main dessus, en caressent un, font d’un doigt le tour du téton, s’éloignent en commentant joyeusement cette rencontre. Je les regarde, admiratif et assez jaloux : jamais je n’oserai faire ça. Puis pourquoi est-ce que je me l’interdis ? Je vérifie autour de moi : personne ne m’observe. Je caresse un sein de pierre, rapidement. Oui, c’est bien. Je vérifie encore, puis j’y reviens : trois seins, j’enveloppe leur rondeur, je sens le téton dans le creux de ma paume. Une fois encore : là toute une série. Étonnamment doux à caresser. Avant moi, des milliers, des millions de mains, hommes et femmes, l’ont déjà fait : je ne suis pas seul.

 

1. Anne-Valérie Schweyer. « Po Nagar et Nha Trang », Aséanie, 14, 2004. Sur Persée.
Dans les premiers temps de l’Hindouisme au Champa, la déesse-mère a été identifiée à la déesse Bhagavati, égale féminine de Shiva. Mais plus tard, la déesse-mère des Chams a acquis un statut indépendant sous le nom de Uroja, ce qui en sanskrit veut dire sein. (Unesco, Da Nang, exposition sur la civilisation du Champa de la Convention du patrimoine mondial.)

 

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13 février 2014

En deux roues sous la pluie

Hué, lundi 13 janvier. [Sur l’enregistreur numérique.]

Nous quittons Hué le matin, pour aller vers le col des nuages. Il pleut, pour la première fois de façon aussi nette depuis le début du voyage.

La circulation des deux roues ne change pas pour autant, mais chacun s’adapte pour se protéger de la pluie, essentiellement avec des grands ponchos en film de plastique ou en toile fine de couleurs vives, unies ou quelquefois avec des motifs. Pour les mobylettes et les petites motos, le poncho enveloppe complètement le conducteur et le véhicule, avec une partie transparente devant le phare. Quand ils sont deux, chacun a son poncho, ou bien il arrive souvent que celui de derrière se protège sous le poncho de celui de devant, laissant sortir sa tête sur le côté. Violet, à éclat métallique, bleu clair, bleu foncé, mauve, rose fuchsia, violet encore, bleu, bleu, blanc pour un motard de la police avec sans doute l’équivalent du mot police, vert anis, vert lagon, orange, imprimés avec motifs de cœurs, de chevrons… La capuche du poncho couvre la tête, et le casque enserre la capuche. Le déplacement de l’air gonfle plus ou moins l’arrière du poncho. Les motos, une fois arrivées à destination et rangées, sont habillées avec le poncho. À côté des ponchos, plus rarement, des parkas.

Dans les rizières, une femme pioche. Elle aussi porte un imperméable, bleu clair. Une piétonne : l’imperméable l’enserre jusqu’au cou.

Dès que la pluie cesse, le poncho est enlevé. Un gamin, passager arrière, se charge de le tenir.

Quand on s’éloigne de la ville, la route, qui est un axe majeur nord-sud du Vietnam, devient dévolue essentiellement aux camions, mais des deux roues continuent à se glisser dans le trafic, dans les deux sens, jusqu’en pleine campagne.

 

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Voyage au Vietnam du Nord
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