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Voyage au Vietnam du Nord
7 avril 2014

Montagnes

Samedi 4 janvier (enregistrement numérique au fil de la journée).

On a quitté Ha Giang où on a dormi dans un hôtel assez chic, très marqué par la proximité chinoise, matelas extrêmement durs, le petit-déjeuner ne se situant en revanche pas culturellement, entre Vache-qui-rit et un café vietnamien, pas mauvais pour le coup. On a descendu le fleuve Lo en direction du sud. Tout au long de la route, des vendeurs proposent des oranges de leurs propres vergers. Hung nous en a négocié l’achat de trois kilos à 7 500 VDN le kilo (27 centimes d’euro). Quelques cultures de théiers. Puis arrivés à Vinh Ngoc, on a pris à droite une route remontant une vallée affluente, rapidement très encaissée, vertigineuse.

Sous la route, à mi-pente et en fond de vallée, des quartiers de rizières, dont les dessins des terrasses épousent les possibilités du relief, sinueux, organiques en quelque sorte : sur les éperons ou dans le creux des vallons, elles s’élargissent après avoir été serrées dans les parties intermédiaires, voire même elles se développent en îlots lorsque l’éperon va jusqu’à se relever. La pente est souvent si raide que la partie cultivée ne fait pas plus en largeur que la hauteur des terrasses. Vers le bas, quand la pente s’adoucit, de grosses fermes ici et là au milieu des rizières, toitures couvertes de végétaux (paille ? palmier latanier ?). Les rizières pour le moment sont sèches. On a vu des parcelles où les mottes avaient été retournées à la pioche, sensiblement d’un quart de tour, ce qui faisait que la paille du riz dépassait. Hung expliquait qu’elles seront remplies d’eau afin que la paille du riz finisse de pourrir et d’enrichir le sol, et seront alors labourées. Assez loin, une rizière est justement en eau, des buffles y circulent, certains semblent attelés mais il est difficile de voir ce qu’ils font.

La route, tournant beaucoup, sert essentiellement à la circulation des mobylettes et des petites motos, et d’autre part à des camions montant de lourds chargements de sacs et de matériaux. Devant les maisons du bord de la route, des tas de bois de chauffage de différents calibres, destinés manifestement à la vente : ils sont descendus vers la vallée par des motos. Dans l’autre sens, un homme et un jeune garçon, à pieds, tirent chacun de très longs bambous.

Les versants sont en schiste tapissés de fougères de multiples variétés ou de mousses. Dans un vallon nous avons vu de grandes fougères arborescentes.

Sortie d’école dans un village d’une ethnie Lathi. Les filles ont des tenues très colorées, rouges et noires. Les garçons sont plus classiques, certains avec le blouson des écoles bleu et blanc qu’on a vu dès Hanoï. Une femme dans la tenue des H’mong fleuris.

Ne pas oublier, dans les choses vues de ce voyage qui sont devenues quotidiennes, les matériaux des barrières des clôtures, toutes sortes de bois, branches droites ou tordues, et principalement des bambous, entiers, fendus, mis à plat, et toutes sortes de tressages, denses ou lâches, pour les assembler. Y compris des formes très soignées : tronçons de bambous verticaux se touchant, et arrivé presque en haut — quelque 1 m 50 —, six bambous sur huit sont arrêtés et les deux autres montent encore d’une dizaine de centimètres et portent une lisse horizontale, ce qui donne un effet de jour très élégant.

 

La route est maintenant plus proche du fond de la vallée, qu’elle remonte en rive gauche. Pour desservir la rive droite, des ponts suspendus sont régulièrement tendus entre les rives. La facture et la vétusté des portiques de béton indiquent qu’ils doivent avoir une cinquantaine d’années. Deux câbles inférieurs portent un platelage de planches, suspendu à deux câbles supérieurs, le tout convenant pour des charges légères. Les ponts sont manifestement entretenus, l’un d’eux a été récemment entièrement refait hormis les deux portiques en béton.

Dans un versant très raide, quatre ou cinq jeunes femmes descendent des fagots de bois sur leur dos, pendant qu’au bord de la route trois ou quatre hommes les regardent progresser. Un peu plus loin deux femmes plus âgées sont assises au bord de la route, occupées à des travaux d’aiguilles, en même temps elles surveillent quelques buffles qui paissent un pré en contrebas. Plus loin encore, un jeune garçon assis sur le dos d’un buffle nous salue joyeusement quand nous passons.

Nous sommes chez les San Thi, nous dit Hung, une ethnie peu populeuse.

La route longe la rive droite de la rivière Chảy, en gorge étroite laquelle a été barrée par un barrage. La réserve d’eau ainsi créée est longue de plusieurs kilomètres, large de quelques dizaines de mètres. À l’endroit du mur de béton, la hauteur de l’eau doit être proche des cent mètres.

Avant d’arriver au village de Cốc Pài, la route est en chantier, un ballast, en train d’être posé, est encore en vrac au milieu de la chaussée. Nous finissons la route à pied et en profitons pour observer comment les gens s’accommodent de cette situation. Les motocyclettes et les vélomoteurs passent sur le côté, sur une espèce de trottoir de terre caillouteuse, et s’en tirent très bien, seuls, à deux, à trois, avec leur chargement. Marie nous rappelle que la bataille de Bien Dien Phu a été gagnée comme ça, par des cyclistes vietnamiens qui avec leurs vélos ont pu acheminer à travers la forêt toutes les pièces de l’artillerie qui a permis de prendre au piège l’armée française.

Le gros du travail de mise en place du ballast est fait avec des machines, pelles mécaniques et gros rouleaux compresseurs, mais restent des petits perfectionnements faits à la main par de jeunes ouvriers et quelques ouvrières : faisant rentrer à la masse quelques pierres récalcitrantes, ou déversant avec des corbeilles des cailloux concassés plus fins qui vont participer à l’égalisation de la surface de la chaussée.

Au village, c’est jour de marché. S’y rencontrent des habitants appartenant aux ethnies H’mong, les femmes avec leurs robes très colorées, et d’autres à l’ethnie des Lo Lo noirs, les femmes avec des jupes noires. La maison à côté du restaurant, traditionnelle, à sa rampe d’accès soutenu par un mur de pierres sèches assemblées dans un mixte de pierres dressées et d’opus spicatum — tout à fait dans la veine de ce qu’on peut trouver à Gordes ou dans le vallon de Saumane.

À l’entrée du restaurant, pour orner la table d’accueil des hôtes, un menuisier a sculpté un Bouddha à moitié couché, dont les membres épousent la forme de la pièce de bois rare qu’il a ainsi modelée — œuvre magnifique et tout à fait originale, comparée aux Bouddha stéréotypés que produisent par millier les ateliers de pierre du pays. Les tabourets sont eux-mêmes des troncs d’arbre sectionnés au départ des branches, polis et retournés.

 

Après le repas à Cốc Pài, au lieu de nous faire passer par la vallée, Hung nous fait pendre un chemin circulant en hauteur, près des cimes. La frontière avec la Chine n’est pas très loin au nord, invisible néanmoins à cause de la brume. Pour compliquer les choses et à cause d’un chantier, nous faisons un contour par une piste de terre desservant un village des H’mong fleuris. Grappes d’enfants sortant de l’école accompagnées de leurs mamans, et femmes qui reviennent à pied du marché, habillées avec leurs tuniques et leurs capelines très colorées. Paysage de rizières et de leurs systèmes d’irrigation. Deux femmes étalent des végétaux secs, sans doute pour ensuite les faire pourrir et enrichir le sol.

Dans le paysage agricole, des choses qu’on a déjà vues le matin : les rizières sont créées là où il est possible de leur donner des profils strictement horizontaux et une alimentation en eau pour pouvoir les inonder. Pour le reste, l’aménagement des versants se limite à épierrer des parcelles, à en limiter la pente, et à les planter de cultures sèches et notamment de maïs. Au-dessus du niveau des cultures, le versant offre encore d’autres ressources : ressources minérales exploitées en grand pour le ballast de la route, ressources végétales — il faudrait observer et comprendre comment est prélevé le bois de petit calibre qui sert pour le chauffage, et les grumes plus grosses qu’on voit descendre sur des camions vers le bas de la vallée.

Les maisons des H’mong ici sont en terre battue avec dans les murs les traces du passage des clefs qui ont servi à tenir les banches pendant la construction. Le type de maison de base possède trois murs en pisé : le mur arrière et les deux murs latéraux. La façade avant est en bois, avec les fenêtres et les ouvertures, précédée d’une galerie portée par des poteaux de bois, une grande toiture enveloppant le tout. Par le pignon d’une de ces maisons — elle a une toiture à deux pentes —, on voit au-dessus de la partie habitée une partie réserve avec des épis de maïs conservés très serrés.

[La suite chronologique du journal — 4 janvier au soir — est sur ce blog à la date du 24 janvier :Une belle demeure paysanne]

 

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