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Voyage au Vietnam du Nord
22 février 2014

Les maisons d’un village

[Retour en arrière dans le temps et l'espace. Le lac de Ba Bé est à une journée de route au nord de Hanoï, dans une zone d'épais calcaire avec un karst magnifique. La description des maisons sur pilotis apportera des réponses aux questions d'Hubert.]

1er janvier 2014 [sur l’enregistreur numérique]

On quitte le village de Tòn Pác Ngòi et le lac de Ba Bé. Le village est étiré sur un versant nord juste au-dessus du lit de la rivière et des rizières, il compte une centaine de maisons. Quatorze déjà font table et chambre d’hôte et se signalent par des panneaux sur la route, nhà nghỉ — comme celle où nous avons été, deux soirs et deux nuits, hébergés et accueillis à la table familiale.

Ces maisons, de part et d’autre de la route centrale, sont construites sur pilotis. Elles sont constituées d’une structure orthogonale de piliers verticaux et de poutres horizontales, en bois. Les piliers sont traversés par des mortaises étroites, de même section que les poutres qui y sont engagées, et des clavettes verrouillent ces assemblages. Une maison de taille assez moyenne, composée de six travées en largeur, quatre en profondeur, compte donc vingt-quatre piliers, soit vingt-quatre assemblages pour tenir le plancher de l’étage, vingt-quatre autres pour tenir le toit. Il n’y a pas de contreventement oblique : c’est cette densité et la solidité des points d’assemblage qui assurent la stabilité de la structure.

 

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Les maisons de Tòn Pác Ngòi au pied de la pente, au-dessus de la zone inondable

 

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Deux maisons de vingt-quatre pilotis. Ils sont posés sur des socles de pierre ou de béton. Galeries à l'étage, accessibles par des escaliers très raides. Toitures en petites tuiles rondes anciennes, ou en tuiles mécaniques. Devant les maisons, plate-forme d'un chantier avec arrivée du tuyau de la drague qui y déverse le sable. Ci-dessous, autre maison "vingt-quatre pilotis" en chantier.

 

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Soubassement de pierre. Pans verticaux en planches, en bambou tressé, enduit, ou nu. Galerie à l'étage. À l'arrière cuve à eau en inox. Dans la cour, bambous en attente pour une barrière. Les poteaux en bois sont déjà plantés et régulièrement mortaisés pour les recevoir.

Ci-dessous, poteau avec deux mortaises traversantes : les poutres (qui ont des sections étroites de basting, ici celles du plancher d'un comble) y sont engagées puis bloquées par des clavettes. Pour qu'elles se croisent bien l'une sur l'autre, la poutre du dessous est bloquée par dessous, celle du dessus par dessus.

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Quelques maisons néanmoins emploient le béton pour les piliers du premier niveau. Celui-ci, au sol de terre battue, sert au stockage des choses lourdes, du bois, des mobylettes et motos. Il peut comporter aussi des pièces prenant appui au sol, par exemple cuisine, ou réserves. À l’étage sont le hall d’accueil, avec l’autel des ancêtres bien en vue face à la porte, et les chambres. On accède à cette porte par un escalier latéral et une galerie.

Le tout est couvert par une toiture à quatre pans. Les deux principaux se rejoignent au faîtage. Les deux pans latéraux en revanche s’arrêtent au tiers de la hauteur et sont dominés par des demi-pignons. La toiture est en petites tuiles rondes, très courtes, en tuiles mécaniques, en fibrociment. Hors village on trouve des maisons plus modestes couvertes de chaume.

Les pans verticaux, pour les plus modestes, sont en tressage de palmes ou de bambou, voire même en toiles de polypropylène à rayures bleu blanc rouge genre Tati. Plus élaborés, ils sont en planches, rabotées et dressées accolées mais non bouvetées. En lieu de planches, des panneaux de contreplaqué d’eucalyptus (que le Vietnam du Nord produit en abondance, à partir d’ateliers villageois) sont opaques, mais minces, et laissent passer tous les sons. Dans des cas d’amélioration des maisons, des cloisons en briques apparaissent.

Les planchers sont faits avec les mêmes planches non bouvetées. Certaines maisons mettaient en chantier des planchers et des cloisons plus étanches, au moins aux courants d’air, peut-être au bruit, pour les pièces qu’ils réservent à leurs hôtes. La galerie de l’étage, ainsi que la toiture qui se prolonge pour la couvrir, débordent par rapport à la façade. Les fenêtres qui percent celle-ci sont incluses dans des blocs de menuiserie allant du sol au plafond mais dont la partie laissant passer le jour n’occupe que la moitié, redivisée par des carreaux de verre dont les « petits bois » sont plutôt gros. L'autre moitié, au-dessous et au-dessus, est pleine. Ainsi, de l’extérieur au cœur de la maison, la lumière est progressivement atténuée, retenue, réduite.

Le foyer — seul point de chaleur dans la maison — est sur une dalle de béton d’un bon mètre de côté, bâtie sur le plancher en position plus ou moins centrale dans la salle. Au milieu de la dalle, un trépied en fer (souvent fers à béton pliés et soudés) porte le récipient au-dessus du feu. Celui-ci est alimenté des trois côtés par des bûches — de longues branches — qu’on fait converger au fur et à mesure de leur combustion. Dans le cas de la maison où nous avons été accueillis, où l’étage est réservé aux hôtes et à l’autel des ancêtres, la salle avec le foyer est au rez-de-chaussée, ainsi qu’une partie familiale privative avec salon et chambres. Contre un mur de la salle, une deuxième dalle en béton, d’environ 100x60 cm, soigneusement carrelée, avec alimentation en eau courante et point de vidange, sert d’évier et d’égouttoir.

Dans un modèle plus complexe que nous avons vu hier à l’auberge bordant la rivière, la cuisine comptait plusieurs foyers maçonnés, mais toujours au ras du sol, alimentés par des bûches convergentes, de 15 à 20 cm de diamètre, et longues d’un mètre, voire deux : inutile donc de débiter le bois en bûchettes, il suffit de l’avoir bien fait sécher, et de l'enfoncer régulièrement dans le foyer.

 

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Galerie et porte d'entrée. Dans la salle centrale, sur un buffet en ébénisterie, l'autel des ancêtres. Leurs photos, leurs diplômes sont affichés. Des offrandes sont présentées  — bananes, eau minérale —, elles sont régulièrement renouvelées et celles qu'on retire sont consommnées.

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Bloc-fenêtre. Il est séparé du plein jour par une galerie.

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La cuisine de nos hôtes de Tòn Pác Ngòi : le foyer en position semi-centrale, l'évier dans un angle de la pièce.
Le sol est en bambou déroulé.

 

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La cuisine de l'auberge, avec la possibilité de plusieurs foyers. (Voir aussi les photos du diaporama de Marie sur Picasa : http://goo.gl/TOK6Ve

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Une quinzaine de maisons au moins étaient en chantier de modernisation lorsque nous avons traversé le village. Les matériaux pour la plupart étaient d’origine proche : planches, bambous, pierres extraites des versants. Des dragues pompaient dans la rivière et envoyaient par des gros tuyaux de PVC jusque sur les plates-formes des chantiers un mélange d’eau et de sable : celui-ci s’y déposait en tas bien lavés. De façon générale, les prélèvements dans la nature semblent modestes et mesurés : outre les matériaux des chantiers, du bois pour la cuisine (les maisons ne sont pas chauffées), de la nourriture pour les cochons…

Le village de Tòn Pác Ngòi fait partie d’un parc national, dans sa zone périphérique, et il est apparemment à la fois assez réglementé et aidé pour des initiatives : par exemple des installations individuelles de production de biogaz, sous la forme de grosses cuves en résine de trois ou quatre mètres cubes où les familles mettent à fermenter les excréments des cochons. Par ailleurs, au-dessus de chaque maison, une ou deux cuves en inox servent à la mise en pression de l’eau, laquelle vient d’une source. Une dizaine de points d’éclairage public étirés le long de village sont alimentés par des panneaux solaires. Chez nos hôtes, toutes les ampoules étaient à économie d’énergie.

Du côté des transports, c’est le règne des mobylettes, des vélomoteurs électriques et des petites motos.

Dans chaque maison, de la volaille, et des coqs, dont les concerts commencent dès deux heures du matin.

 

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Pierre à bâtir et bois de chauffage devant une maison.
Chantier d'extraction de pierres.

 

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En entrant dans la maison, on change les chaussures pour des tongs.
La gouttière est faite de demi-bambous.
Bâtie dans la pente la maison côté rue est de plein pied avec la chausée, mais côté rivière et vallée est portée sur des pilotis.

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